🏆 Coup de coeur du jury du concours « Bonnes nouvelles des Bauges » de Radio Alto – édition 2023.
Contrainte : la nouvelle doit se passer dans le Massif des Bauges ou dans ses piémonts et comporter le mot : « L’oeil du cyclone ».
Mitza a dix ans. C’est sa première manifestation. Après cinq ans de canicule, toute la Grèce est dans la rue pour crier sa souffrance. Elle chante sans trop comprendre les slogans de la manifestation pour le climat.
Hari Seldon est à son bureau dans son petit appartement parisien. Las, il entame ses mémoires.
Mitza a froid. Quelle vie de chien ! Cela fait trois heures qu’elle fait la queue pour obtenir sa soupe. En ce mois de novembre, les sommets des Bauges sont déjà blancs. Mitza a 15 ans mais c’est la première fois qu’elle voit la neige. C’est son premier hiver dans le camp de migrants de Lescheraines. Avec une grand-mère française, elle pensait pouvoir bénéficier d’un visa. Mais non. De nouvelles lois anti-immigrations sont passées. Mitza essaie d’en rire, elle fait des blagues dans la queue :
Hari Seldon est reçu à l’Elysée dans le plus grand secret. C’est à contre-cœur, mais dans un esprit de responsabilité, qu’il a accepté l’invitation du président Lemulet. Le nouveau président se trouve coincé. Après s’être fait élire sur un programme populiste, ses promesses mirifiques de prospérité se fracassent contre la réalité, une société à l’arrêt. Puisque le monde semble perdu, personne ne veut plus rien faire, ni pour le climat ni pour rien d’autre. Avec la dépression est venue la récession. La machine économique s’est grippée. C’est en dernier recours que Lemulet demande à Hari son aide.
Lemulet soupire, le parler Maître Yoda du psychohistorien l’irrite. Hari reste calme et continue son exposé.
Circonspect mais prêt à tout pour sauver son mandat, Lemulet ne voit d’autre solution qu’appliquer les préconisations de Hari. Il crée le grand plan quinquennal “L’oeil du cyclone”, dont le but est de contenir la dépression hors des frontières françaises. Un plan disruptif pour faire rire ses sujets, sécuriser leurs vies… et leurs votes.
Mitza s’avance devant le micro. Elle a le trac. La salle des fêtes de Thoiry est quasiment vide. Seuls siègent les dix membres de la commission citoyenne. Elle a vu une affiche pour ce casting du rire dans son camp de migrant et s’est dit : Nom d’un chien, moi qui aime faire des blagues, c’est ma chance !
Mitza respire un bon coup et se lance :
C’est un peu farfelu cette histoire de dilemme du prisonnier écologique, mais la Commission rigole, un peu. À la fin du sketch, un huissier mesure le taux d’énergie positive de ses dix membres. Il ne constate aucune amélioration. C’est peut-être drôle mais ce n’est pas positif. Mitza n’est donc pas sélectionnée. Elle est déçue.
Lemulet appelle Hari, il n’est pas content. Les prédictions de rire salvateur ne se réalisent pas. Les critiques commencent à se faire entendre.
Lemulet raccroche.
Mitza est anxieuse. Elle a beaucoup travaillé pour cette deuxième chance. L’attente d’un blagueur providentiel est telle qu’ici, on ne la traite pas comme un chien, on ne lui demande pas ses papiers avant de lui dire bonjour. Il faut qu’elle en profite.
Elle prend le micro en main et commence son sketch en arpentant la scène :
L’élévation du niveau d’énergie des membres de la commission est sans appel. L’huissier approuve le sketch. Il est diffusé sur tous les médias d’État. Tout de suite, Mitza fait le buzz. Des images de Lemulet en chien circulent sur les réseaux sociaux. Tous les journaux font la Une sur la première idée révolutionnaire apportée par le rire. Mitza devient une superstar et devant l’engouement populaire le gouvernement est forcé de lui accorder la nationalité française.
Hari fait son rapport à Lemulet :
Le parti animaliste contacte Mitza pour qu’elle se présente aux prochaines élections présidentielles. Maintenant qu’elle est française, rien ne l’en empêche !
Les propositions saugrenues du programme “1,5 chien” font rire tout le monde. Mais contre toute attente, les gens sont prêts à voter pour Mitza et elle caracole en tête des sondages. Lemulet rage.
Hari Seldon est reçu à l’Elysée à la demande de la présidente Mitza Astapopoulos. Le programme “1,5 chien” a été appliqué avec succès. Les commissariats de police ont été recyclés en centre d’éducation canine, les policiers en éleveurs. L’insécurité ressentie a disparu. Les Français ont arrêté de se regarder en chien de faïence et se sont mis à marcher ensemble. Cependant, la situation reste grave. Mitza arpente son bureau en dressant la situation :
Hari entame son exposé :